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Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/211

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LES FEMMES.

mousseline opaque complétaient cet habillement aussi leste que gracieux.

Une mulâtresse couleur de bronze neuf, un bout de draperie blanche tournée autour du front, négligemment roulée dans un habbarah blanc qui faisait admirablement ressortir le ton sombre de sa peau, se tenait debout et pieds nus contre la porte, prenant les plats des mains du domestique qui les montait de la cuisine située à l’étage inférieur.

Après le dîner, la cadine se leva et passa dans le salon, où elle promena de divan en divan sa gracieuse nonchalance. Elle fuma ensuite une cigarette au lieu du narghilé traditionnel ; la cigarette est maintenant à la mode en Orient, et l’on fume autant de papelitos à Constantinople qu’à Séville ; c’est un amusement pour l’oisiveté des femmes turques de rouler les blonds cheveux du latakyé dans la mince papillote de papel de hilo.

Le maître du logis vint rendre visite à sa femme et à la dame d’Europe ; mais, en l’entendant venir, la jeune esclave s’enfuit avec une extrême précipitation, car, appartenant en propre à la khanoun, et déjà fiancée, elle ne pouvait paraître à visage découvert devant l’ex-pacha de Kurdistan, qui, du reste, n’avait qu’une femme, comme beaucoup de Turcs.

Au bout de quelques minutes, le pacha se retira pour faire ses dévotions dans la pièce voisine, et la khanoun rappela son esclave.

L’heure de prendre congé était arrivée ; l’étrangère se levait pour sortir ; son hôtesse lui fit signe de rester encore un peu et dit quelques mots à l’oreille de la jeune esclave, qui se mit à fouiller les tiroirs de la commode avec beaucoup d’activité, jusqu’à ce qu’elle eût trouvé un petit objet enfermé dans un étui que la femme du pacha remit à la vi-