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Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/250

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CONSTANTINOPLE.

sades, d’où l’on voit passer le cortége en premières loges.

La cérémonie commence par un acte religieux. Le sultan, accompagné des grands dignitaires de l’empire, va faire sa prière à Sainte-Sophie, la métropole des mosquées de Constantinople : il pouvait être six heures. L’attente enfiévrait tout le monde ; on se penchait pour voir si quelque chose paraissait au loin ; un assez prodigieux tintamarre éclata subitement jouant une marche turque arrangée par le frère de Donizetti, chef de musique du sultan. Les soldats coururent aux armes et formèrent la haie ; ces soldats, faisant partie de la garde impériale, avaient des pantalons blancs et des vestes rouges comme les grenadiers anglais en petite tenue ; le fez ne s’harmonisait pas mal avec cet uniforme ; les officiers et les mouchirs enfourchèrent les beaux chevaux de main que les saïs promenaient.

Le sultan, arrivé de son palais d’été, se dirigeait vers Sainte-Sophie. D’abord parurent le grand vizir, le séraskier, le capitan-pacha et les divers ministres avec la redingote droite de la réforme, mais si plastronnée de chamarrures d’or, qu’il fallait de la bonne volonté pour y reconnaître un costume européen, quand bien même le tarbouch n’eût pas suffi pour les orientaliser ; ils étaient entourés de groupes d’officiers, de secrétaires et de serviteurs splendidement brodés et montés, comme leurs maîtres, sur des chevaux magnifiques ; puis vinrent les pachas, les beys des provinces, les agas, les selictars et les officiers composant les quatre odas du selamlick, dont les noms bizarres pour des oreilles françaises n’éveilleraient aucune idée dans la tête du lecteur, et qui ont pour fonction, celui-ci de débotter le sultan, celui-là de lui tenir l’étrier, cet autre de lui présenter l’écritoire ou la serviette, etc. ; le tzouhadar ou chef des pages, les icoglans et une foule d’employés formant la maison du padischa.