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Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/293

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LE SÉRAIL.

plan préconçu, suivant les caprices et les nécessités du moment, séparés par des espaces vagues, ombragés çà et là de cyprès, de sycomores et de vieux platanes d’une dimension monstrueuse.

Du milieu d’une touffe d’arbres se dresse une colonne cannelée à chapiteau corinthien, qui produit un charmant effet et qu’on désigne sous le nom de Théodose, attribution dont je ne suis pas assez savant pour discuter la valeur. — Je la cite parce que le nombre des ruines byzantines est très-restreint à Constantinople. — La ville antique a disparu sans presque laisser de traces ; les riches palais de la dynastie grecque, des Paléologues et des Comnènes, se sont évanouis ; leurs colonnes de marbre et de porphyre ont servi à la construction des mosquées, et leurs fondations, recouvertes par les frêles baraques musulmanes, se sont oblitérées peu à peu sous la cendre des incendies ; quelquefois on retrouve, amalgamé dans un mur, un chapiteau, un fragment de torse brisé, mais rien qui ait conservé sa forme primitive ; il faut fouiller le sol pour amener à la surface quelques débris de la Byzance ancienne.

Particularité notable, et qui marque un progrès : l’on a rassemblé dans la cour qui précède l’antique église de Saint-Iréné, transformée en arsenal, et qui fait partie des dépendances du sérail, divers objets antiques : têtes, torses, bas-reliefs, inscriptions, tombeaux, rudiment d’un musée byzantin, qui pourrait devenir curieux par l’addition des trouvailles journalières. Près de l’église, deux ou trois sarcophages de porphyre, semés de croix grecques, et qui ont dû contenir des corps d’empereurs et d’impératrices, privés de leurs couvercles brisés, s’emplissent de l’eau du ciel, et les oiseaux y viennent boire en poussant de petits cris joyeux.

L’intérieur de Saint-Iréné est tapissé de fusils, de sabres,