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Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/325

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L’ELBICEI-ATIKA.

les janissaires avaient fini par former une nation au sein de la nation même, et leur aga était un des personnages les plus importants de l’empire.

L’aga, exposé comme spécimen à l’Elbicei-Atika, est superbement vêtu : les fourrures les plus précieuses garnissent sa pelisse roide d’or, une fine mousseline de l’Inde entoure son turban ; sa ceinture de cachemire soutient une panoplie d’armes de prix aux lames de Damas, aux pommeaux de pierreries, de pistolets aux crosses d’argent ou d’or incrustées de grenats, de turquoises et de rubis. D’élégantes babouches de maroquin jaune artistement piquées complètent ce noble et riche costume, égal à celui des plus hauts dignitaires.

À côté de l’aga, nous pouvons placer le santon Bektack-Emin Baba, patron du corps ; ce santon avait béni l’orta de yenitcheri à sa formation, et sa mémoire y était restée fort vénérée. — On invoquait son nom dans les combats, dans les dangers et aux moments suprêmes. — Bektack-Emin Baba, en sa qualité de saint personnage, ne brille pas, comme l’aga, par la magnificence de ses vêtements. Son costume, des plus simples, annonce le renoncement aux vanités terrestres : il consiste en une espèce de froc de laine blanche serré d’une ceinture brune, et un fez de feutre blanchâtre assez semblable au bonnet des derviches tourneurs ; ce fez n’a pas de houppe de soie, et il est bordé d’une petite bande de peluche de couleur sombre. Le caleçon, arrêté au genou, laisse voir les jambes osseuses et hâlées du saint homme. Un petit cornet à bouquin en cuivre est suspendu à sa main. — Nous ignorons le sens de cet attribut.

L’uniforme, comme nous l’entendons, n’était pas dans les habitudes militaires ottomanes ; aussi, la fantaisie règne-t-elle assez librement dans le costume des yenitcheri ; les grades se distinguent à quelque signe bizarre, mais le fond du vêtement est pareil à celui que portaient les Turcs à cette