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Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/79

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LA TROADE, LES DARDANELLES.

sérail et l’échelle de Top’Hané forment les deux caps, et qui s’enfonce à travers la ville, bâtie en amphithéâtre sur ses deux rives, jusqu’aux eaux douces d’Europe, et à l’embouchure du Barbysés, petit fleuve qui s’y jette. Son nom de Corne-d’Or vient sans doute de ce qu’il représente pour la ville une véritable corne d’abondance, par la facilité qu’il donne aux navires, au commerce et aux constructions navales.

En attendant que nous puissions descendre à terre, faisons un léger croquis au crayon du tableau que nous peindrons plus tard. À droite, au delà de la mer, blanchit un immense bâtiment percé régulièrement de plusieurs rangées de fenêtres et flanqué à ses angles d’espèces de tourelles surmontées de hampes de drapeaux : c’est une caserne, le bâtiment le plus considérable, mais non le plus caractéristique de Scutari, désignation turque de ce faubourg asiatique de Constantinople qui se déploie, en remontant du côté de la mer Noire, sur l’emplacement de l’ancienne Chrysopolis, dont il ne reste aucun vestige.

Un peu plus loin, au milieu de l’eau, s’élève, sur un îlot de rochers, un phare éclatant de blancheur, qu’on appelle la Tour de Léandre ou encore la Tour de la Fille, quoique l’endroit ne se rapporte en rien à la légende des deux amants célébrés par Musée. Cette tour, d’une forme assez élégante et que la pureté de la lumière fait paraître d’albâtre, se détache admirablement du ton d’azur foncé de la mer.

À l’entrée de la Corne-d’Or, Top’Hané s’avance, avec son débarcadère, sa fonderie de canons et sa mosquée au dôme hardi, aux sveltes minarets, bâtie par le sultan Mahmoud. Le palais de l’ambassade de Russie dresse, au-dessus des toits de tuiles rouges et des touffes d’arbres, sa façade orgueilleusement dominatrice, qui force le regard et semble s’emparer de la ville par avance, tandis que les palais des