Aller au contenu

Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
FUSAINS ET EAUX-FORTES.

bien le voir. Ce sera un beau temps ! l’homme deviendra vraiment maître de sa planète et aura conquis son atmosphère. Plus de mers, plus de fleuves, plus de vallées, plus de montagnes, plus de murailles pour l’arrêter. Ce sera le vrai règne de la liberté ! Par ce seul fait de la direction des aérostats, la face du monde changera immédiatement. Il faudra d’autres formes de gouvernement, d’autres mœurs, une nouvelle architecture, un système de fortification tout différent mais alors les hommes ne feront plus la guerre. L’octroi, la douane, les places fortes se supprimeront d’eux-mêmes. Visitez donc des ballons à dix mille pieds en l’air ! Que feront les lunes, les demi-lunes, les fossés et les contrescarpes, à une armée aérienne ? Plus de passeports ! aucun gendarme ne pourra demander à M. Green ce banal certificat de moralité dont les voleurs seuls sont pourvus. Les allures des Don Juan seront toutes différentes ils descendront du ciel au lieu de venir de l’enfer, et les Bartholo, pour garder leur Rosine, feront griller et treillager leurs jardins, comme des volières ; les palais, au lieu de cour d’honneur, auront des toits de cérémonie, sur lesquels les ballons armoriés du corps diplomatique posséderont seuls le privilège de s’abattre.

Le voyage aérien, on le reconnaîtra bien vite, est le plus doux, le plus rapide et le plus sûr. Aucun obstacle à surmonter on se meut dans un milieu