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Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/302

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SAINT-AMANT.

de détails sont encore vrais aujourd’hui ; rien n’est plus drolatique que ce dithyrambe à l’envers où la moquerie verveuse fait si bien justice des admirations badaudes, et tire la langue aux antiquailles. L’on conçoit chez un esprit prime-sautier comme Saint-Amant cette horreur des lieux communs et ce parti pris de dénigrement. Rien ne lui eût été plus facile que de faire de Rome une description sérieusement belle. Les couleurs pour cela n’eussent pas manqué sur sa palette. Mais la seule chose qu’il trouve à louer dans la patrie de Romulus, c’est la polenta au parmesan, arrosée de montefiascone.

La Crevaille, excusez ce titre d’un goût hasardeux qui, dans le vocabulaire bachique du temps, signifiait une débauche à outrance, est un morceau d’une fougue, d’une ébriété et d’un lyrisme extraordinaires ; comme d’une gigantesque corne d’abondance vidée par le dieu Gaster, ruissellent les mets et les vins avec un scintillement de couleur à éblouir les yeux. Les rimes résonnent comme des verres qui s’entre-choquent et semblent se porter des santés.

Il y a de belles choses dans le Moïse sauvé, cette idylle héroïque que Boileau, d’un coup de patte, a replongée dans la mer Rouge ; avec le pharaon et ses trois cents chariots de guerre ; le combat de Moïse et de l’Égyptien, le bain de la princesse Termuth, la comparaison de la couleuvre et de l’oiseau, les lar-