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Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/311

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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

poque de la perfection classique, et c’est elle qui date ce qu’on appelle les belles époques littéraires. On considère ces époques comme définitives et posant au génie des limites qu’il serait dangereux de franchir. Après, selon les critiques et les rhéteurs, tout n’est que décadence, mauvais goût, bizarrerie, enflure, recherche, néologisme, corruption et monstruosité. Ces idées ou plutôt ces préjugés sont tellement enracinés dans les esprits, que nous n’avons pas la prétention de les en arracher. À nos yeux, ce qu’on appelle décadence est au contraire maturité complète, la civilisation extrême, le couronnement des choses. Alors un art souple, complexe, à la fois objectif et subjectif, investigateur, curieux, puisant des nomenclatures dans tous les dictionnaires, empruntant des couleurs à toutes les palettes, des harmonies à toutes les lyres, demandant à la science ses secrets et à la critique ses analyses, aide le poète à rendre les pensées, les rêves et les postulations de son esprit. Ces pensées, il faut bien t’avouer, n’ont plus la fraîche simplicité du jeune âge. Elles sont subtiles, ténues, maniérées, persiflées même de dépravation, entachées de gongorisme, bizarrement profondes, individuelles jusqu’à la monomanie, effrénément panthéistes, ascétiques ou luxurieuses mais toujours, quelle que soit leur direction, elles portent un caractère de particularité, de paroxysme et d’outrance. Pour emprunter une comparaison à l’écri-