Aller au contenu

Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
313
CHARLES BAUDELAIRE.

pour noter les gémissements du malade dont l’approche d’une aurore, blafarde comme lui, avive les douleurs, souvent des récurrences de pensée le ramènent vers l’Inde, patrie de son enfance, et par une trouée de souvenirs on aperçoit, comme aux féeries à travers une brume d’azur et d’or, des palmiers qui se balancent sous un vent tiède et balsamique, des visages bruns aux blancs sourires essayant de distraire la mélancolie du jeune maître.

Si les artifices de la coquetterie parisienne plaisent au poète raffiné des Fleurs du mal, il ressent une vraie passion pour la singularité exotique ; dans ses vers, dominant les caprices, les infidélités et les dépits, reparaît opiniâtrement une figure étrange, une Vénus coulée en bronze d’Afrique, belle, mais fauve, nigra sed formosa, espèce de madone noire, dont la niche est toujours ornée de soleils en cristal et de bouquets en perles. C’est vers elle qu’il revient après ses voyages dans l’horreur, lui demandant, sinon le bonheur, du moins l’assoupissement et l’oubli. Cette sauvage maîtresse, muette et sombre comme un sphinx, avec ses parfums endormeurs et ses caresses de torpille, semble un symbole de la nature ou de la vie primitive à laquelle retournent les inspirations de l’homme las des complications de la vie civilisée, dont il ne pourrait se passer peut-être.

Le cadre restreint de cette notice ne nous permet