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Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/76

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AU BORD DE L’OCÉAN.

dis-je, monter des escaliers pour aller contempler le père Océan. Est-ce qu’il demeure au sixième étage, comme un écrivain du XVIIe siècle ? Les dunes sont de petits tas de grès sablonneux pour récurer les casseroles et jeter sur l’écriture quand elle est trop pochée et qu’on craint qu’elle ne sèche pas assez vite. Cela n’a rien de fort majestueux en soi-même, et je trouvai que la dune n’avait guère d’autre agrément que de rimer passablement avec lune dans les ballades du genre fantastique.

Je fis encore une centaine de pas et j’eus un moment d’hallucination singulière : il me sembla que j’étais à Paris, au bord du bassin de la Villette, quand les eaux sont basses. Je priai G…[1] de me donner un coup de pied au derrière pour me prouver que je ne dormais pas, ce qu’il exécuta religieusement. Alors je compris qu’en effet j’étais bien à Ostende, en flamand Oostence, patrie présumée des huîtres, et à l’endroit même où M. Jules Janin, cet innocent voyageur, prétend avoir vu sur la plage des homards vivants écarlates, épithète qui n’appartient assurément qu’à des homards en salade et cardinalisés par la coction.

Des hommes en blouse voituraient de la vase dans des brouettes quelques barques à sec, d’un bois rougeâtre, semblables à des sabots énormes laissés dans

  1. Gérard de Nerval.