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Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/167

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HISTOIRE D’UN POËME NATIONAL

Ruolandes Liet[1]. Mais la France, pour lutter de science avec l’Allemagne, n’avait qu’à suivre sa propre tradition, sa tradition bénédictine. Notre Académie des Inscriptions avait eu l’honneur de le comprendre, et n’avait pas désespéré de mener à bonne fin l’Histoire littéraire de la France. Le quatorzième volume[2], œuvre de MM. de Pastoret, Brial, Ginguené et Daunou, contenait une Notice sur Geoffroy, prieur de l’abbaye du Vigeois, mort en 1184. C’était, comme on le voit, toucher de près aux origines de la Chanson de Roland, puisqu’à cette occasion tout le problème de la Chronique de Turpin se dressait devant les continuateurs de dom Rivet. Ils n’étaient pas encore de taille à l’aborder. Au milieu de cette nuit épaisse, quelques lueurs commençaient à briller. Déjà, à la fin du siècle précédent, dans ses Canterbury’s tales of Chaucer[3], Tyrwhitt avait signalé la présence à Oxford du manuscrit français que nous allons publier et traduire. Le bon Anglais ne se doutait pas de la gravité de cette note qu’il écrivait en passant : le pauvre vieux manuscrit oublié, dont il révélait l’existence, ne lui apparaissait pas, comme à nous, lumineux et beau. Un autre Anglais, J. P. Conybeare, en reconnut du moins la profonde antiquité, et le salua « comme le plus ancien spécimen qui existât en ce genre dans les Collections de manuscrits. » Or, ces lignes précieuses étaient imprimées dans un Magazine anglais : c’est assez dire qu’elles eurent des milliers de lecteurs[4]. La même année, dans le tome x des Mémoires de la Société royale des Antiquaires de France, M. Louis de Musset analysait un des remaniements de notre vieille Chanson, et publiait quelques fragments du texte de Versailles[5]. Il allait jusqu’à annoncer la

  1. En 1817.
  2. Il parut également en 1817.
  3. 1772-1778.
  4. The gentleman’s Magazine, août 1817, p. 103, col. 2. On y annonçait la publication (qui n’a pas eu lieu) d’un ouvrage ayant pour titre : Illustrations of the early history of english and french poetry. (F. Michel, 1re édition du Roland, Introduction, p. v.)
  5. Légende du bienheureux Roland, prince français, par M. Louis de Musset. (Mémoires et Dissertations sur les Antiquités nationales et étran-