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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/255

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Le logis avait au soleil un aspect robuste, vénérable et seigneurial. Les arêtes de ses murs de granit semblaient taillées d’hier. Son toit de tuiles s’avançait comme un auvent sur des poutres curieusement sculptées. On devinait une richesse ancienne aux serrureries, compliquées du balcon et des fenêtres, et au-dessus de la porte s’étalait fièrement un blason gigantesque aux énormes lambrequins, disant qu’une noble famille, aujourd’hui disparue sans doute, avait jadis habité là. Mais ce qui nous frappa le plus, ce fut une grave et mystérieuse inscription castillane incisée dans le granit en grandes lettres lapidaires, un peu au-dessous des armoiries : La maledicion de la madre abrasa, destruye y desraiz los hijos y la casa. (La malédiction de la mère brûle, détruit et déracine les enfants et la maison.) À quelle circonstance inconnue pouvait faire allusion cette légende d’une mélancolie solennelle et fatidique ?

Pour éclaircir ce mystère, le temps nous manquait ; il fallait arriver à Vitoria au plus tard à trois heures et demie, car la course commençait à quatre heures, et nous avions une douzaine de lieues, au moins, à faire à travers les montagnes.

Les mules partirent au grand galop, fouaillées et bâ-