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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/274

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pied le correo qui gravissait lentement, à grand renfort de mules et de bœufs, et notre exaltation était telle, qu’elle ressemblait à de l’ivresse ou à de la folie. Le premier voyage est comme le premier amour, il donne des sensations qui ne reviennent plus. Qui jamais eût pensé alors qu’un chemin de fer passerait sur le front superbe de la montagne, et que les aigles entendraient chez eux le sifflet de la vapeur ? — Cette fois, la saison était trop avancée pour que les cimes eussent gardé leur blanc diadème. Les chaleurs tropicales de juillet et d’août avaient fait fondre les dernières paillettes d’argent sur la robe bleue de la montagne. Les lits des torrents qu’on apercevait au fond des vallées n’étaient plus que des avalanches de pierres, et l’on se demandait où les femmes qui vous présentaient des rafraîchissements aux stations prenaient l’eau qu’elles vous offraient dans de grands verres.

Dans notre enthousiasme pour les rochers et les précipices, ne négligeons pas la silhouette pittoresque et féodale d’Avila, qui se découpait sur notre droite à une petite distance du ferro carril. Avila, dans notre siècle de perfectionnement, a gardé intacte la physionomie d’une ville du moyen âge ; sa ceinture de tours est complète. Elle n’a pas senti le besoin de délacer