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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/330

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madou, dans laquelle il s’embossait pour prendre le soleil le long de sa muraille en ruine. Sans métaphore, la ville a beaucoup gagné au point de vue moderne. Il va sans dire que nous l’aimions mieux comme elle était jadis ; mais nous sommes un romantique incorrigible. De belles maisons s’y élèvent de toutes parts sur les démolitions des anciennes, et l’air actuel s’y substitue peu à peu à la physionomie du passé. Cela est naturel, nous le savons bien. On ne peut pas plus habiter les logis des aïeux qu’on ne peut porter leurs habits démodés et devenus d’une coupe ridicule. Pourtant, une maison neuve dans une vieille ville nous contrarie toujours. Elle n’a pas vécu, elle ne sait rien, elle est inerte, car le long séjour de l’homme ne lui a pas donné d’âme.

L’immense hôtel où nous avions déposé nos malles et lavé nos mains et notre figure poudreuse ne ressemblait guère à la fonda purement espagnole qui nous avait hébergé jadis et à laquelle faisait face une boutique de chirurgien-barbier dont l’enseigne représentait l’opérateur, aidé de son élève, coupant le bras à un patient assis sur une chaise. On y aurait demandé un bifteck, du thé et du beurre, on les aurait obtenus.

Pour aller à la cathédrale, nous traversâmes cette