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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/335

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qui forment l’intérieur de la tour octogone posée au point d’intersection des nefs. Dans la sacristie, nous jetâmes un regard au coffre légendaire du Cid, et nous consacrâmes les derniers instants que nous laissait l’heure impérieuse, — car les chemins de fer, plus stricts encore que les rois sur l’étiquette, ne disent pas : « J’ai failli attendre, » ils partent en sifflant, — à regarder la Madeleine de Léonard de Vinci enchaussée dans la boiserie de la chapelle du connétable et l’admirable Vierge tenant l’Enfant Jésus sur ses genoux, chef-d’œuvre absolu qui ne peut provenir que d’un carton dessiné par Michel-Ange et peint par Sébastien del Piombo. Nuits ne connaissons pas de gravure de ce tableau splendide, qu’on pourrait mettre à côté de la Madone de saint Sixte.

Une toile du peintre chartreux don Diego de Leyra, d’un mérite secondaire, mais d’un aspect bizarre, féroce et romantique, représentant le martyre de sainte Casilda, qui regarde le ciel avec extase, malgré l’affreuse blessure de sa poitrine, nous avait frappé autrefois. Elle était toujours à sa place, un peu rembrunie par le temps écoulé. Les deux seins coupés de la jeune vierge, lis semant des rubis, saignaient dans leur plat d’argent et l’ange apportait sa palme d’un air tranquille, comme