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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/337

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nillés et quelques spectres hâves en manteau d’amadou, appuyés à des murailles cuites de soleil, sont en train de devenir des bourgs considérables. À partir de Briviesca, la vallée se resserre en gorge, ses pentes se redressent en rochers, et la voie ferrée se fraye comme elle peut passage entre la route de terre et l’Oroncillo, petite rivière torrentueuse qui bouillonne au fond de l’étroite coupure, et qui sera forcée désormais d’être utile en faisant tourner des roues d’usine. Quand un village la gêne, elle l’écorne ou l’enjambe avec cet aplomb des chemins de fer qui ne doutent de rien. Du wagon, l’on aperçoit, de l’autre côté du torrent, le défilé de Pancorbo, avec sa gigantesque arche de rochers sous laquelle passe le correo, l’impériale, chargé de miquelets, en grande transe des brigands, à qui ces anfractuosités de rocher et ces étranglements de gorge offraient de tentantes facilités d’embuscade. Il serait puérilement romanesque de regretter ce temps. Cependant le cœur, à cet endroit-là, battait un peu plus fort aux plus braves et aux plus flegmatiques ; on avait une émotion ; et, quand, à l’issue du défilé, on n’avait vu le canon d’aucune carabine on d’aucun tromblon s’abaisser dans la direction de la voiture, on poussait un léger soupir de soulagement, et l’on racontait quelle belle défense on aurait