Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/65

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loin, et de cette place cachée à demi par la découpure colossale du mont, s’ébauche Tombelaine, une roche rase et formant îlot, d’où les habitations ont depuis longtemps disparu. Tombelaine à côté du mont Saint Michel, c’est le nain près du géant, la borne près de la pyramide.

Des berges de pierres sèches dirigent le cours jusqu’ici incertain du Couesnon et lui tracent un chenal par où les eaux s’écoulent vers la pleine mer, en rasant la pointe ouest du mont Saint-Michel. Cette digue, submersible à marée haute, devient à marée basse une espèce de chaussée rejoignant le mont à la terre ferme et servant de chemin à ceux qui craignent de se mouiller les pieds aux flaques d’eau dont, çà et là, les lises sont couvertes après le retrait de l’Océan ; inconvénient auquel ne s’arrêtent pas les pêcheurs de coques, qui courent pieds nus sur les sables, sans avoir la moindre crainte de s’y enfoncer ; car ce sol déliquescent, réputé si perfide, supporte très-bien les chevaux et les voitures. Un peu de connaissance des lieux et l’observation des heures de la marée rendent les accidents, jadis si nombreux, de plus en plus rares. Les soldats de Harold passeraient aujourd’hui sur les grèves du mont Saint-Michel sans que le héros, les empoignant par la nuque, fût obligé de les retirer des lises, ainsi que le représente