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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/9

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nous allons la décrire avec quelque détail ; car nous y trouvons les rudiments de cette architecture nouvelle qui cherche si laborieusement et si malheureusement ses formes. Plus haute que l’obélisque de Luxor, dont elle singe assez l’attitude sur l’horizon, cette cheminée bâtie de briques roses et blanches, dont les symétries dessinent des spirales contrariées, est coiffée d’une sorte de chapiteau qui la fait ressembler à une colonne d’ordre inconnu que nous appellerons, si vous voulez, l’ordre industriel. Sa silhouette élancée, renflée légèrement au milieu, amenuisée au bout, présente cette ligne heureuse que donne toujours la forme nécessaire ; sa couleur est douce à l’œil comme celle des murs blancs et roses du palais ducal sur la Piazzetta. Elle se détachait, ce soir-là, d’un ciel assez bleu, et produisait un effet certainement agréable à l’œil. Une cheminée peut être jolie, quand on l’accepte franchement et qu’on l’orne dans le sens de sa destination. Rappelez-vous les cheminées sur les toits de Venise avec leurs formes de tourelles, leurs chaperons crénelés et leurs tons rose vif qui font la joie des peintres.

Avec la brique, la fonte, la charpente, quelques chaînes de pierre, il est possible de donner une sorte de beauté aux bâtiments utiles qui sembleraient les plus