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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/120

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leurs que j’aurais des chances de vous rencontrer, d’entendre parler de vous, de me trouver avec des gens de votre connaissance ; mais j’appris d’une façon indirecte que vous étiez parti depuis longtemps pour un voyage en Espagne qui devait durer quelques mois encore. Vos amis, à qui vous écriviez rarement, ne vous attendaient pas avant l’hiver ; on vous prétendait pris, là-bas, aux réseaux de quelque mantille. Cela ne m’inquiétait guère, et j’avais, malgré ma modestie, l’amour-propre de croire que mes bandeaux d’or pourraient lutter contre toutes les nattes de jais de l’Andalousie. J’appris aussi que vous écriviez dans les Revues sous le pseudonyme latinisé d’un de vos noms de baptême, connu seulement de vos intimes, et que chez vous le parfait gentleman cachait un écrivain distingué. Avec une curiosité facile à comprendre, je cherchai à travers la collection des journaux tous les articles marqués de ce signe. Lire un écrivain, c’est se mettre en communication d’âme ; un livre n’est-il pas une confidence adressée à un ami idéal, une conversation dont l’interlocuteur est absent ? Il ne faut pas toujours prendre au pied de la lettre ce que dit un auteur : on doit faire la part des systèmes philosophiques ou littéraires, des affectations à la mode en ce moment-là, des réticences exigées, du style voulu ou commandé, des imitations admiratives et de tout ce qui peut modifier les