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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/121

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formes extérieures d’un écrivain. Mais, sous tous ces déguisements, la vraie attitude de l’âme finit par se révéler pour qui sait lire ; la sincère pensée est souvent entre les lignes, et le secret du poète, qu’il ne veut pas toujours livrer à la foule, se devine à la longue ; l’un après l’autre les voiles tombent et les mots des énigmes se découvrent. Pour me former une idée de vous, j’étudiai avec une attention extrême ces récits de voyage, ces morceaux de philosophie et de critique, ces nouvelles et ces pièces de vers semées çà et là à d’assez longs intervalles et qui marquaient des phases diverses de votre esprit. Il est moins difficile de connaître un auteur subjectif qu’un auteur objectif : le premier exprime ses sentiments, expose ses idées et juge la société et la création en vertu d’un idéal ; le second présente les objets tels que les offre la nature ; il procède par images, par descriptions ; il amène les choses sous les yeux du lecteur ; il dessine, habille et colore exactement ses personnages, leur met dans la bouche les mots qu’ils ont dû dire et réserve son opinion. Cette manière était la vôtre. À première vue on eût pu vous accuser d’une certaine impartialité dédaigneuse qui ne mettait pas beaucoup de différence entre un lézard et un homme, entre la rougeur d’un coucher de soleil et l’incendie d’une ville ; mais, en y regardant de près, à des jets rapides, à des élans brusques, aussitôt arrêtés, on pouvait