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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/126

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de chambre, en faisant bouffer les plis de ma jupe et en rajustant quelques nœuds à mon corsage, fit cette remarque, que « mademoiselle était bien jolie ce soir. »

La voiture nous déposa devant le péristyle, ma mère et moi ; mon père devait nous rejoindre plus tard, et nous commençâmes à monter lentement le grand escalier, dont les marches étaient couvertes d’un tapis rouge. Enveloppées dans une tiède atmosphère de vétiver et de patchouli, des femmes en grande toilette, dissimulée encore par les manteaux, les pelisses, les burnous, les écharpes, les sorties de bal, qu’elles allaient laisser aux mains de valets de pied, gravissaient les degrés, traînant après elles des flots de moire, de satin et de velours, et s’appuyant du bout des doigts aux bras d’hommes graves cravatés de blanc, et dont le frac noir portant à la boutonnière des brochettes de décorations annonçait qu’ils avaient l’intention d’aller, au sortir des Italiens, à quelque soirée officielle ou diplomatique. Des jeunes gens minces, sveltes, la raie au milieu des cheveux, et de l’élégance la plus correcte, suivaient à quelques pas, rattachés au groupe par un sourire.

Tout cela n’a rien de nouveau sans doute, et vous feriez ce tableau mieux que moi ; mais ce spectacle était neuf pour une petite pensionnaire qui faisait son entrée dans le monde. La vie est