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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/127

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toujours la même ; c’est une pièce de théâtre dont seuls les spectateurs changent ; mais celui qui n’a pas vu la pièce s’y intéresse comme si elle était faite exprès pour lui, et à sa première représentation. J’étais gaie, je me sentais en beauté ; quelques lorgnons approbateurs s’étaient fixés sur moi, quelques femmes avaient détourné la tête, après m’avoir détaillée d’un rapide regard sans trouver rien à reprendre ni à ma personne ni à ma toilette.

Un secret pressentiment m’avertissait que je vous verrais ce soir-là. Cette espérance donnait à mes traits une légère animation et amenait sur mes joues un coloris plus vif qu’à l’ordinaire. Nous nous installâmes dans notre loge, et bientôt les lorgnettes se braquèrent sur moi. J’étais une figure nouvelle, et cela se remarque au Théâtre-Italien, qui est comme un grand salon où tout le monde se connaît. La présence de ma mère disait mon nom, et je compris à des têtes penchées l’une vers l’autre qu’on parlait de moi dans plusieurs loges, favorablement sans doute, car des sourires bienveillants suivaient les phrases chuchotées. Cela me gênait un peu d’être le point de mire des regards, et, décolletée pour la premiers fois, je sentais mes épaules frissonner sous la gaze qui les recouvrait de sa demi-transparence. La toile en se levant, car on avait fort négligemment écouté l’ouverture, fit se retourner les têtes vers