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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/144

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dans une forêt vierge, tant les bananiers, les pamplemousses, les palmiers et les plantes tropicales s’y épanouissaient vigoureusement au sein d’une chaude atmosphère saturée de parfums exotiques. Au fond de la serre, une naïade de marbre blanc épanchait son urne dans une gigantesque coquille de la mer du Sud, entourée de mousse et de plantes d’eau. Là, je vous aperçus encore une fois ; vous donniez le bras à votre sœur, mais vous marchiez devant nous et nous ne pouvions nous rencontrer, car nous suivions dans le même sens l’étroit sentier sablé de poudre jaune et bordé de verdure qui contournait les massifs d’arbustes, de fleurs et de végétaux.

Nous fîmes encore quelques tours à travers les salons, où l’on circulait plus librement, car danseurs et danseuses, pour reprendre des forces, s’étaient dirigés vers le buffet, servi avec une élégante profusion dans une galerie boisée d’ébène rehaussé d’or et ornée de tableaux de Desportes représentant des fleurs, des fruits, du gibier d’une splendide couleur que le temps n’avait fait qu’enrichir. Tous ces détails, regardés d’un œil vague, ont été fidèlement retenus par ma mémoire, et je m’en souviens encore dans ce monde où la vie ne semble plus que le rêve d’une ombre ; ils se lient pour moi à des sensations si vives, qu’elles m’ont forcée à revenir sur la terre. Je retournai à la maison aussi triste que j’étais