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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/180

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geais. Je détachais peu à peu votre âme de toute entrave terrestre ; pour vous mieux garder, je répandais dans votre logis un vague enchantement qui vous le faisait aimer. Vous y sentiez autour de vous comme une impalpable et muette caresse, et vous y éprouviez un inexplicable bien-être : il vous semblait, sans pouvoir vous en rendre compte, que votre bonheur était enfermé entre ces murailles que je peuplais. Un amant qui, par une nuit d’orage, lit près d’un bon feu le poète qu’il préfère, pendant que sa maîtresse endormie repose un bras sur sa tête dans l’alcôve profonde, livrée à de doux songes, a ce sentiment de félicité intime, de claustration amoureuse ; rien ne vaut au dehors la peine qu’il franchisse ce seuil adoré ; tout le monde est pour lui enfermé dans cette chambre. Il fallait peu à peu vous préparer à mon apparition et me mettre mystérieusement en rapport avec vous ; entre un esprit et un vivant non initié les communications sont difficiles. Un profond abîme sépare ce monde-ci de l’autre. Je l’avais franchi, mais ce n’était pas assez ; je devais me rendre sensible à vos yeux couverts encore du bandeau et ne voyant pas l’immatériel à travers l’opacité des choses. Mme d’Ymbercourt, poursuivant toujours son idée de mariage, vous attirait chez elle et harcelait votre nonchalance de ses empressements. Substituant ma volonté à votre pensée en-