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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/179

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une apparente froideur, vous vous réserviez pour un plus haut idéal. Grâce à la faveur qui m’était accordée, je pouvais vous faire connaître cet amour que vous aviez ignoré pendant ma vie, et j’espérais vous inspirer le désir de me suivre dans la sphère que j’habite. Je n’avais pas de regret. Qu’est-ce que la plus heureuse liaison humaine auprès du bonheur dont jouissent deux âmes dans l’éternel baiser de l’amour divin ? Jusqu’au moment suprême, ma tâche se bornait à empêcher le monde de vous engager dans ses voies et de vous écarter de moi à jamais. Le mariage lie dans ce monde et dans l’autre, mais vous n’aimiez pas Mme d’Ymbercourt ; ma qualité d’esprit me permettait de lire dans votre cœur et je n’avais rien à craindre de ce côté ; cependant vous pouviez vous lasser de ne pas voir apparaître l’idéal rêvé, et, par fatigue, indolence, découragement, besoin d’en finir, vous laisser aller à cette union vulgaire.

Quittant les zones lumineuses, je m’abaissai vers la terre, que je vis passer sous moi roulant avec elle sa brumeuse atmosphère et ses bandes de nuages. Je vous trouvai sans peine et j’assistai, témoin invisible, à votre vie, lisant dans votre pensée et l’influençant à votre insu. Par ma présence que vous ne soupçonniez pas, j’éloignais les idées, les désirs, les caprices qui eussent pu vous détourner du but vers lequel je vous diri-