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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/197

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radieuse des aurores boréales. Lavinia avait disparu et Spirite reparaissait, mais plus grande, plus majestueuse, entourée d’une lueur vive ; de longues ailes battaient à ses épaules ; elle avait déjà, quoique visiblement elle voulût rester, quitté le plancher de la chambre. Les plis de sa robe flottaient dans le vide ; un souffle supérieur l’emportait, et Malivert se retrouva seul, dans un état d’exaltation facile à comprendre. Mais peu à peu le calme lui revint et une langueur délicieuse succéda à cette excitation fébrile. Il sentait cette satisfaction qu’éprouvent si rarement les poètes et, dit-on, les philosophes, d’être compris dans toutes les délicatesses et les profondeurs de son génie. Quel éblouissant et radieux commentaire Spirite avait fait de cette pièce de vers dont jamais lui, l’auteur, n’avait si bien compris le sens et la portée ! comme cette âme s’identifiait avec la sienne ! comme cette pensée pénétrait sa pensée !

Le lendemain il voulut travailler ; sa verve, éteinte depuis longtemps, se ranimait, et les idées se pressaient tumultueusement dans son cerveau. Des horizons illimités, des perspectives sans fin s’ouvraient devant ses yeux. Un monde de sentiments nouveaux fermentait dans sa poitrine, et pour les exprimer il demandait à la langue plus qu’elle ne peut donner. Les vieilles formes, les vieux moules éclataient et quelquefois la phrase