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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/216

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C’était une méchante amie qui m’avait fait parler. Ce départ pour la Grèce est-il vrai ? Avez-vous, à ce point, besoin de me fuir, moi qui n’ai d’autre idée que de vous complaire ? Ne vous en allez pas ; je serais trop malheureuse de votre absence. »

La comtesse signa ce billet « Cécile d’Ymbercourt, » le cacheta de ses armes et voulut l’envoyer sur-le-champ ; mais comme elle se levait pour appeler quelqu’un, la pendule sonna deux heures : il était trop tard pour dépêcher un homme au fond du faubourg Saint-Germain, où demeurait Guy. « C’est bon, dit-elle, j’enverrai ma lettre de grand matin, et Guy l’aura à son réveil… pourvu qu’il ne soit pas déjà parti. »

Elle se coucha fatiguée, brisée, fermant en vain les yeux ; elle pensait à la dame au traîneau et se disait que Malivert l’aimait, et la jalousie lui enfonçait ses fines aiguilles dans le cœur. Enfin elle s’endormit, mais d’un sommeil agité, plein de soubresauts plus pénibles que la veille. Une petite lampe suspendue au plafond, en guise de veilleuse, et enfermée dans un globe de verre bleu dépoli, répandait dans la chambre une lueur azurée assez semblable à celle du clair de lune ; elle éclairait d’un jour doux et mystérieux la tête de la comtesse dont les cheveux dénoués avaient roulé en larges boucles noires sur la blancheur de l’oreiller et qui laissait pendre un de ses bras hors du lit.