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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/217

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Au chevet, peu à peu se condensa une légère vapeur transparente et bleuâtre comme la fumée qui sort d’un brûle-parfums ; cette vapeur prit des contours plus arrêtés et devient bientôt une jeune fille d’une beauté céleste, à qui sa chevelure d’or faisait une auréole lumineuse ; Spirite, car c’était elle, regardait dormir la jeune femme avec cet air de pitié mélancolique que les anges doivent avoir devant la souffrance humaine, et, se penchant vers elle comme l’ombre d’un rêve, elle lui fit tomber sur le front deux ou trois gouttes d’une liqueur sombre que renfermait une petite buire semblable aux urnes lacrymatoires qu’on trouve dans les anciens tombeaux, en murmurant :

« Puisque tu n’es plus un danger pour celui que j’aime et que tu ne peux plus séparer son âme de la mienne, j’ai pitié de toi, car tu souffres à cause de lui, et je t’apporte le divin népenthès. Oublie et sois heureuse, ô toi qui as causé ma mort ! »

La vision disparut. Les traits de la belle dormeuse se détendirent comme si à un cauchemar pénible avait succédé un songe agréable ; un léger sourire voltigea sur ses lèvres ; par un mouvement inconscient, elle ramena dans le lit son beau bras nu qui avait pris la froideur du marbre comme il en avait déjà la blancheur, et se pelotonna sous le léger édredon. Son sommeil tranquille et réparateur dura jusqu’au matin, et quand