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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/97

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souffle, en jets de vapeur blanche, atteignait le dossier du traîneau poursuivi ; mais, quoique ce fut une brave bête, Grymalkin n’était pas de force à lutter contre un trotteur russe, le plus bel échantillon de la race qu’eût peut-être jamais vu Malivert. Le cocher en caftan fit entendre un léger clappement de langue, et le cheval gris de fer, en quelques impétueuses foulées, eut bientôt distancé Grymalkin et mis entre les deux traîneaux un espace suffisant pour rassurer sa maîtresse, si toutefois elle était alarmée.

L’idée de la dame qui ressemblait si fort à Spirite n’était sans doute pas de désespérer la poursuite de Malivert, car son traîneau reprit une allure plus modérée. La course avait conduit les deux véhicules dans l’allée de sapins, qui n’était en ce moment obstruée par aucune voiture, et la chasse s’établit d’une façon régulière. Pourtant Grymalkin ne put atteindre le steppeur de la race Orloff. Son plus grand effort parvenait à peine à maintenir égale la distance entre un traîneau et l’autre. Les fers des chevaux faisaient voler de blancs flocons qui s’écrasaient en poussière glacée contre le cuir verni du pare-neige, et des fumées blanchâtres produites par la transpiration des nobles coursiers les enveloppaient comme des nuages classiques. À l’extrémité de l’allée, que barraient des voitures venant par la grande route, les deux traîneaux se trouvèrent un instant côte à côte, et