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Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/32

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Des chevaux conduits par leurs cavaliers descendent les rampes du quai du côté de l’Ecole-Militaire, pour se baigner ou s’abreuver au fleuve. Rien de plus beau que ces nobles bêtes qui partagent les périls de l’homme, montées à poil et guidées par des soldats en pantalon de toile, dont la chemise prend, au vent, des plis de chlamyde antique. On retrouve dans ces groupes les mouvements fiers et simples des métopes du Parthénon. A défaut de Phidias, que ne passe-t-il par là un Géricault ! Quels modèles lui fournirait ce va-et-vient de chevaux descendant et remontant, dont quelques-uns se cabrent devant la fraîcheur de l’eau ! Il y avait aussi des mulets reconnaissables à leurs longues oreilles, et dignes de trainer le char de la princesse Nausicaa, allant à la rivière laver. Ne méprisons pas pas ces utiles bêtes si dures à la fatigue ; elles portent les lourds bagages et les blessés, se faisant contre-poids sur les cacolets. Si elles ne sont pas à la gloire, elles sont à la peine, ne l’oublions pas. Des bœufs « aux jambes torses » selon la belle épithète homérique, arrêtés au bord de la rivière, levaient avec un air de vague inquiétude, leurs mufles luisants d’où l’eau tombait en long fils.