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Page:Geniaux - Les Ames en peine.djvu/58

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XI

LE BRICK FANTÔME


Depuis trois jours il soufflait à travers la presqu’île un vent à vous étouffer. Le bourg était recouvert de l’écume envolée aux déferlements et cette neige donnait un aspect polaire aux maisons barricadées pour résister à la tempête.

Le lundi soir, 2 février, Nonna et Anne qui habitaient maintenant la maison du tailleur Gourhan, arrivèrent au crépuscule à la saboterie de Poultriel.

— Oh ! mes petites mouettes, s’exclama Maharit en les pressant dans ses bras, nous ne comptions plus sur vous. Oh ! vos yeux sont comme la braise. Auriez-vous encore pleuré ? Il faut rire, on va connaître le bonheur !

Très ardemment, Anne demanda :

— Avez-vous d’autres nouvelles, bonne mère ?

— Aucune, mes belles ! Jean nous a donné rendez-vous pour demain. Je suis prête. Voyez ! Ah ! c’est le grand départ !

Les jeunes filles remarquèrent que la salle semblait avoir été déménagée. Il n’y restait plus que quelques gros meubles. Job raconta qu’il avait envoyé son outillage et ses objets de valeur chez un sabotier de ses amis, à Loc-Maria. Pour le reste, à la grâce de Dieu !

— Maintenant, embarque ! fit Maharit en sautant de joie.

— Non, tu n’embarqueras point la prochaine nuit, folle, gronda Job, parce que le navire de nos fils devra fuir sous l’ouragan.

Navrées, les jeunes filles se serrèrent l’une contre l’autre sur le banc-coffre du lit clos où elles allaient coucher. Par instants la chaumière craquait de son faîtage à ses fondations comme si des grands bras la serraient violemment et les miaulements épouvantables de la tourmente emplissaient sa cheminée.

— Comment pourrais-je dormir si je songe que Jean se