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Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/192

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ESCAL-VIGOR

— Me dégrader ! Je m’enorgueillis au contraire.


Il y eut entre eux des scènes de plus en plus violentes. Blandine cédait, se soumettait, partagée entre une épouvante et une compassion infinies, qui réunies devenaient une des formes les plus corrosives de l’amour.

À présent, Guidon dormait au château. Blandine l’évitait, mais elle se montrait parfois à Kehlmark, et telle était l’expression de son visage qu’à sa vue le comte éclatait en objurgations :

— Prenez garde, Blandine ! lui disait-il un autre jour, vous jouez un jeu dangereux. Sans vous aimer d’amour, je vous avais voué une sorte de culte fondé sur une profonde reconnaissance. Je vous vénérais comme je n’ai plus vénéré de femme depuis mon aïeule.

Mais je finirai par vous exécrer. En vous plaçant toujours comme un obstacle en travers de mes postulations, vous me deviendrez aussi odieuse qu’un bourreau qui s’aviserait de vouloir me priver de sommeil et de nourriture ! Ah, vous faites là de jolie et bien charitable besogne, la sainte, l’honnête, l’angélique femme !

Avec tes mines et tes muets reproches, ta figure