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Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/245

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ESCAL-VIGOR

qui s’applique à ton frère. Ce soir, tout gars de son âge n’est-il pas tenu d’aller à la danse et de faire choix d’une compagne provisoire ou définitive ?… Gageons que le damoiseau se montrera aussi frigide en présence de n’importe quel cotillon que, tout à l’heure, son protecteur l’était devant vous.

— Va donc ! proféra Claudie d’une voix à la fois sourde et sifflante. Ah, les hypocrites, les infâmes ! Mais malheur à eux !

— Pardi ! Ah, tu vois clair, enfin ! Ce n’est pas malheureux ! En faisant l’empressé auprès de toi, le noble sire se flattait de donner le change sur ses véritables ardeurs…

Et il lui raconta tout ce qu’il avait surpris ; inventant, amplifiant, là où il n’aurait pu invoquer le témoignage de ses sens.

Elle suffoquait de dépit, mais manifestait surtout un vertueux dégoût :

— Écoute, disait-elle à Thibaut ; je me donnerai à toi, ce soir même. C’est juré. Mais d’abord, tu me vengeras de tous, à commencer par mon frère, ce sournois, ce pourri que je renie !

Avec cette intelligence de la haine, elle était résolue à frapper Guidon pour mieux atteindre Kehlmark.