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Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/25

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ESCAL-VIGOR

par leur complexion nerveuse et foncée sur les populations blanches et rosâtres qui les entouraient — faire exception aussi, dans le reste du royaume, par une sourde résistance à la morale chrétienne et surtout protestante. Lors de la conversion de ces contrées, les barbares de Smaragdis n’acceptèrent le baptême qu’à la suite d’une guerre d’extermination que leur firent les chrétiens pour venger l’apôtre saint Olfgar, martyrisé avec toutes sortes d’inventions cannibalesques, représentées d’ailleurs méticuleusement et presque professionnellement en des fresques décorant l’église paroissiale de Zoutbertinge, par un élève de Thierry Bouts, le peintre des écorchés vifs. La légende voulait que les femmes de Smaragdis se fussent particulièrement distinguées dans cette tuerie, au point même d’ajouter le stupre à la férocité et d’en agir avec Olfgar comme les bacchantes avec Orphée.

Plusieurs fois, dans le cours des siècles, de sensuelles et subversives hérésies avaient levé dans ce pays à bouillant tempérament et d’une autonomie irréductible. Au royaume, devenu très protestant, de Kerlingalande, où le luthérianisme sévissait comme religion d’État, l’impiété latente et parfois explosive de la population de Smaragdis