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Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/90

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ESCAL-VIGOR

style de Blandine était plus maternel encore que le sien.

La douairière lui montrait aussi les portraits du jeune comte ; et les deux femmes ne se lassaient point de parcourir durant des heures l’iconographie de leur fétiche : depuis un daguerréotype qui le représentait, remuant bébé, un pied déchaussé, sur les genoux de sa mère, jusqu’à l’épreuve la plus récente, montrant un premier communiant fluet aux grands yeux trop fixes.

Au début, Blandine avait feint de s’intéresser à tout ce qui concernait le petit Kehlmark et elle mettait elle-même l’entretien sur lui, uniquement pour plaire à l’excellente femme et flatter sa touchante sollicitude ; mais, insensiblement, elle se surprit à partager ce culte pour l’absent. Elle le chérissait profondément avant de l’avoir jamais vu.

Par la suite on verra qu’il y eut dans cet attachement une influence plus haute et plus providentielle qu’un simple phénomène d’auto-suggestion.

« Qu’il doit être grand à présent ! Et fort ! Et beau ! » conjecturaient les deux femmes. Elles se le décrivaient mutuellement, l’une apportant des retouches flatteuses à l’image que l’autre se fai-