Aller au contenu

Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
ESCAL-VIGOR

sonder ces perspectives fuyantes, et il la poussa soumise, sans une parole, vers le lit fraîchement refait. Elle, frémissante et ravie, continuait à sourire et se donna comme à un nouveau vagabond.

Pourquoi se rappelait-il, avant le spasme, l’accordéonie au crépuscule, à travers les lilas en fleurs, et les jeunes villageois tirant le sarrau bleu sur les feuilles mortes de leurs hardes de travail ? Était-ce parce que ces petits rustauds auraient pu être du pays de l’amante ? Glorieux, il communiait en elle toute une humanité agreste ; c’était la force, la saveur, le geste rude et charnu, la chair de la glèbe, la sève villageoise qu’il aimait en Blandine par ce soir nuptial. Cette fois et celles qui suivirent, il la posséda dans l’idée des désirs qu’elle aurait allumés chez de robustes manœuvres ruraux, dans la ruée fauve, fumeuse et dépoitraillée d’une priapée de kermesse…

Un moment, Blandine avait rencontré le regard de ses yeux entr’ouverts. Quel abîme y découvrit-elle ? L’abîme attire et l’amour est fait d’une part de vertige. Sans s’abandonner à la plénitude de la joie qu’elle avait espérée, sans se pâmer comme dans la bruyère phosphorescente entre les bras du Roi des Vanneurs, elle éprouva, du cerveau