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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/105

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ce qui peut arriver de même partout, n’ait pas fait quelquefois pousser des cris de joie, le fouet à la main, pour étouffer des cris de misère. Mais dès que ces seigneurs sont accusés par les gouverneurs des provinces, on les punit, et sûrement les houra que nous avons entendus sur notre route, étoient hurlés de bon cœur et avec des visages très-rians. —

Comme dans plusieurs courses j’ai quitté l’Impératrice, j’ai trouvé bien des choses que les Russes mêmes ne connoissent pas ; des établissemens superbes commencés, des manufactures, des villages bâtis en rues bien alignées, entourés d’arbres et traversés par des ruisseaux. Tout ce que je vous dis est vrai, d’abord parce que je ne ments jamais qu’aux femmes qui ne vous ressemblent pas ; ensuite parce que personne ici ne lit mes lettres, et puis l’on ne flatte pas les gens qu’on voit depuis six heures du matin jusqu’à dix du soir ; au contraire même, on a souvent, en voiture, de l’humeur les uns contre les autres. Je me souviens d’un, jour qu’on parloit de courage ; l’Impératrice me dit : — Si j’avois été homme j’aurois été tué avant d’être capitaine. — Je lui répondis : — Je n’en crois rien, Madame, car je vis encore. — Je m’aperçus qu’après avoir été quelque tems à comprendre ce que je voulois dire, elle se