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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/178

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ce Prince, un homme rare, toujours occupé de notre grande Impératrice, et bien utile à son immense empire, dont il est l’emblème. Il est aussi composé de déserts et de mines d’or et de diamans.

Voulez-vous que je vous fasse pitié ? Nous n’avons pas d’eau. Nous sommes mangés des mouches. Nous sommes à cent lieues d’un marché. Voulez-vous que je vous fasse envie ? Nous faisons une chère excellente. Nous ne buvons que du vin, et du bon. Nous nous couchons quatre heures après dîner. Nous avons ici trois des plus belles femmes de l’empire qui sont venues voir leurs maris. Nous nous réveillons pour prendre des glaces et du sorbet excellent. Le soir, nous avons toute la musique du prince, cette musique nombreuse et singulière, dirigée par le fameux et admirable Sarti. Mais combien cela durera-t-il ? une mauvaise nouvelle : et l’amour, et l’harmonie iront au diable.

Ne l’ai-je pas dit ? On a perdu un peu de monde par une sortie de l’ennemi. Le Prince a mis son mouchoir, trempé dans de l’eau de lavande, autour de son front ; signe, comme vous savez, d’hypocondrie et de mal de tête, vrai ou supposé. Tout le monde est parti : et nous voilà plus tristes que jamais.