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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/22

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— C’est pour cela qu’elle étoit à Berlin, Sire, répondit Noverre.

J’étois tous les jours prie à souper avec le Roi : la conversation s’adressoit trop souvent à moi. Malgré mon attachement pour l’Empereur, de qui j’aime à être le général, mais point le d’Argens ni l’Algarotti, je ne m’y livrois pas plus que de raison. Quand j’étois trop interpellé, il falloit bien répondre et continuer. D’ailleurs l’Empereur mettoit beaucoup du sien dans la conversation, et étoit peut-être plus à son aise avec le Roi que le Roi ne l’étoit avec lui. Ils parloient, un jour, de ce qu’on pouvoit désirer d’être, et me demandèrent mon avis. Je leur dis : — que je voudrois être jolie femme jusqu’à trente ans, puis un général d’armée fort heureux et fort habile jusqu’à soixante ; et, ne sachant plus que dire, pour ajouter cependant quelque chose encore, n’importe ce que cela devînt, cardinal jusqu’à quatre-vingt. Le Roi, qui aime à plaisanter sur le sacré collège, s’égaya là-dessus. L’Empereur lui fit bon marché de Rome et de ses suppôts. Ce souper-là fut un des plus gais et des plus aimables que j’aie jamais vus. L’Empereur et le Roi furent sans prétentions et sans réserve ; ce qui n’arriva pas les autres jours : et l’amabilité de deux hommes