Aller au contenu

Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/344

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


MON SÉJOUR CHEZ M. DE VOLTAIRE.



CE que je pouvois faire de mieux chez M. de Voltaire, étoit de ne pas lui montrer de l’esprit. Je ne lui parlois que pour le faire parler. J’ai été huit jours dans sa maison, et je voudrois me rappeler les choses sublimes, simples, gaies, aimables qui parloient sans cesse de lui ; mais, en vérité, c’est impossible. Je riois ou j’admirois, j’étois toujours dans l’ivresse. Jusqu’à ses torts, ses fausses connoissanes, ses engouemens, son manque de goût pour les beaux-arts, ses caprices, ses prétentions, ce qu’il ne pouvoit pas être et ce qu’il étoit, tout étoit charmant, neuf, piquant et imprévu. Il souhaitoit de passer pour un homme d’état profond, ou pour un savant, au point de désirer d’être ennuyeux. Il aimoit alors la constitution Angloise. Je me souviens que je lui dis : Monsieur de Voltaire, ajoutez-y comme son soutien l’Océan, sans lequel elle ne durerait pas.