LETTRE PREMIERE.
SAVEZ-vous pourquoi je vous regrette,
Madame la Marquise ? C’est que vous n’êtes
pas une femme comme une autre, et que je
ne suis pas un homme comme un autre : car
je vous apprécie mieux que ceux qui vous
entourent. Et savez-vous pourquoi vous
n’êtes pas une femme comme une autre ?
C’est que vous êtes bonne, quoique bien
des gens ne le croient pas. C’est que vous
êtes simple, quoique vous fassiez toujours de
l’esprit, ou plutôt que vous le trouviez tout
fait. C’est votre langue : on ne peut pas dire
que l’esprit est dans vous ; mais vous êtes
dans l’esprit. Vous ne courez pas après l’épigramme :
c^est elle qui vient vous chercher.
Vous serez, dans 50 ans, une Madame du
Defant pour le piquant, une Madame Geoffrin
pour la raison, et une Maréchale de Mirepoix
pour le goût. A vingt ans vous possédez le
résultat des trois siècles qui composent l’âge