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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/99

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LETTRE VII.

De Caffa, ou l’ancienne Théodosie.


LE charme dure encore, mais Il est prêt à finir. Voici une grande ville remarquable par ses mosquées, ses bains, ses anciens temples, ses anciens magasins de commerce, son port, et enfin par tous les restes d’une grandeur qui va se renouveler.

Je suis entré dans plusieurs cafés et plusieurs boutiques. J’ai vu ici des étrangers des pays les plus éloignés ; des Grecs, des Turcs d’Asie, des manufacturiers d’armes de Perse et du Caucase. Il n’y a de civil, me suis-je dit en les voyant, que les gens qui ne sont pas civilisés. On se fait ici une mine douce et plus ou moins respectueuse en s’abordant. La langue est noble comme le Grec ou l’Espagnol : elle n’a ni le sifflement, ni la grossièreté, ni le traînant, ni le chanté, ni l’ignoble des langues de l’Europe. Un Tartare seroit bien étonné, en arrivant dans la ville de l’urbanité et de la grâce par excellence, d’entendre sur le Boulevard un cocher parler à ses chevaux, ou, sur la place Maubert, une dame de la Halle