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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/107

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beau les battre pour les faire finir, ils crient, ils se démènent, ils voudraient se retirer et ne peuvent pas : ils sont sans doute attachés de façon que cela leur est impossible. Dis-moi, si un homme se trouvait attaché de cette façon à une femme, que quelqu’un vint, qu’on les surprit ?

Cette objection me démonta, l’exemple était sensible ; il semblait que Suzon eût prévu ce que j’allais lui proposer. L’exemple était pour nous, nous allions nous trouver dans le même cas, si Suzon se rendait. Elle semblait attendre ma réponse avec impatience, et si j’avais pu découvrir ce qui se passait dans son âme, j’aurais vu qu’elle se repentait de m’avoir proposé une difficulté que je n’étais pas en état de résoudre. D’autant plus intéressé à détruire son préjugé que je ne doutais presque pas que mon bonheur ne dépendît de ma réponse, je cherchais des raisons pour la convaincre. Je me souvenais parfaitement que le Père Polycarpe n’avait pas eu la veille cette difficulté à se retirer de dessus Toinette. Je lui aurais cité cet exemple, mais j’aimais mieux le lui faire voir. Mes raisonnements ne la persuadèrent pas, mais ses désirs suppléaient à ce qu’ils avaient de défectueux. Elle affectait cependant d’insister encore, et je sentis qu’il n’y aurait pas d’autre moyen de la persuader que de lui montrer un exemple du contraire. Dans le moment, j’aperçus le bonhomme Ambroise qui sortait de la maison et qui prenait le chemin de la rue. Je regardai son départ comme l’occasion la plus favorable qui pût se présenter. Ne doutant pas que le Père et Toinette ne profitassent de la liberté que leur laissait sa bonhomie pour réparer le temps que sa présence leur avait fait perdre, je dis d’un ton assuré à Suzon :