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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/128

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frisé comme un barbet ; joignez-y un air goguenard et malin, voilà monsieur le curé. Avec cela, le coquin avait de bonnes fortunes, plus d’une m’en aurait encore dit des nouvelles dans le village. Il cultivait volontiers la vigne du Seigneur ; il faisait le petit Célestin. Ces petits magots-là sont d’ordinaire de vigoureux sires à ce jeu, et notre curé ne manquait pas, je crois, de ces talents, qui valent mieux qu’une belle figure, quand il est permis de les faire valoir.

Passons au second cartouche du tableau célestin de la maison de monsieur le curé et disons un mot de sa respectable gouvernante.

Madame Françoise était une vieille sorcière plus maline qu’un vieux singe, plus méchante qu’un vieux diable. Ôtez cela, c’était la bonté même. Son visage portait bien cinquante bonnes années ; la coquetterie est de tout pays et de toutes conditions : la vieille ne s’en donnait pas trente-cinq. Mais, malgré ses discours, elle était très canonique, et si canonique que, depuis une quinzaine d’années qu’elle était au service de monsieur le curé, elle l’avait garanti des retraites incommodes qu’il avait coutume de faire au séminaire, au moins deux ou trois fois chaque lustre, disgrâces qui avaient dégoûté le patron de la jeunesse ; et, quoique la dame Françoise eût les yeux bordés de rouge, le nez barbouillé de tabac, la bouche fendue jusqu’aux oreilles, et qu’elle n’eût plus dans cette bouche que quelques dents mal assurées, monsieur le curé, par reconnaissance pour ses services passés, ne démentait en rien son estime, et qui plus est, ses caresses pour elle. Madame Françoise était la surintendante de la maison ; tout passait par ses mains, jusqu’à l’argent des pensionnaires, qui n’en sortait guère. Elle ne parlait jamais de mon-