Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/136

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me donna un nouveau titre à ses yeux, me fit regarder comme un novice, morceau délicat pour une femme galante, dont l’imagination est voluptueusement flattée par l’idée d’un plaisir d’autant plus vif, que celui qui le lui donne n’en connaît pas tout le prix, et l’aiguise lui-même par des ravissements qu’il n’a jamais éprouvés, par des transports qui augmentent la vivacité de ceux qu’elle ressent. C’est ainsi que pensait madame Dinville, et n’est-ce pas ainsi que pensent toutes les femmes ?

Mon indifférence fit connaître à la dame que sa façon d’attaquer ne faisait que glisser sur moi, et qu’il fallait quelque chose de plus frappant pour m’émouvoir. Elle me lâcha la main, et, étendant les bras avec un bâillement étudié, elle m’étala une partie de ses charmes. Son action retira mes esprits de l’engourdissement où ils étaient depuis la sortie de Suzon. Je me réveillai, la vivacité reparut sur mon visage, l’idée de Suzon se dissipa ; mes yeux, mes regards, mon impatience, tout fut dans l’instant pour madame Dinville. Elle s’aperçut de l’effet de sa ruse, et pour mener mes désirs par degrés, et m’encourager insensiblement à perdre ma timidité, elle me demanda, en jetant les yeux de côté et d’autre, ce qu’était devenu l’abbé. J’eus beau regarder je ne le voyais pas ; je sentis ma sottise.

— Il est sorti, reprit-elle ; et, affectant de jeter un peu son drap en se plaignant de la chaleur, elle me découvrit une cuisse extrêmement blanche, sur le haut de laquelle un bout de chemise paraissait mis exprès pour empêcher mes regards d’aller plus loin, et plutôt à dessein d’exciter que de contenter ma curiosité. Malgré l’obstacle qu’elle opposait, j’entrevis quelque chose de vermeil qui me mit dans un trouble dont ses yeux inté-