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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/167

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à coup, puis de recommencer, et cela m’amusait. Le plaisir n’est pas si grand que quand vous faites le cas, mais vous avez la faculté de le répéter autant de fois que vous le jugez à propos. Votre imagination se joue, voltige sur tous les objets qui vous ont charmé les yeux : c’est la brune, c’est la blonde, c’est la petite, c’est la grande. Avec un coup de poignet vous foutez toute la terre ; vos désirs ne connaissent pas l’intervalle des conditions ; ils vont jusque sur le trône, et les beautés les plus fières, forcées de céder, vous accordent tout ce que vous leur demandez. Du trône vous descendez rapidement à la grisette : vous vous représentez une fille timide, qui n’a pas encore essayé des plaisirs de l’amour, qui ne connaît la nature de vos désirs que par ceux qu’elle ressent ; vous lui donnez un baiser sur la bouche, vous la voyez rougir, vous levez sans obstacle un mouchoir qui vous cachait une gorge naissante, qui palpite, qui soupire ; vous descendez plus bas, vous trouvez un petit conin chaud, brûlant, vous lui faites faire une résistance que l’intérêt de votre plaisir augmente, diminue, fait évanouir à son gré.

Le plaisir est d’un naturel vif et sémillant. S’il était possible de le comparer à quelque chose, je le comparerais à ces feux qui sortent brusquement de la terre, et qui s’évanouissent au moment que votre œil, frappé par l’éclat de la lumière, cherche à en pénétrer la cause. Oui, voilà le plaisir : il se montre et s’échappe. L’avez-vous vu ? Non. Les sensations qu’il a excitées dans votre âme ont été si vives, si rapides, qu’anéantie par la force de son impulsion, elle s’est trouvée dans l’impuissance de le connaître. Le vrai moyen de le tromper, de le fixer, de le forcer à demeurer avec vous, c’est de badiner avec lui, de l’appeler, de le considérer, de le