le temple du plaisir. Mon imagination s’enivrait des
chimères agréables qu’elle se forgeait. Elle ne s’arrêtait
pas dans les bras de Toinette, elle me représentait les
plus aimables femmes des lieux où mon sort me conduisait,
se disputant la conquête du Père Saturnin, prévenant
ses désirs par les attentions les plus tendres et
payant ses bontés par les transports les plus vifs et les
plus délicieux. On croira facilement qu’étant dans de
pareilles dispositions, je reçus avec joie l’habit de
l’Ordre, dont le Père Prieur (qui s’attacha d’abord à
moi avec une affection vraiment paternelle) m’honora
dès le lendemain de mon arrivée.
J’avais appris assez de latin de mon curé, qui, pourtant, n’en savait guère, pour figurer avec honneur dans le noviciat. On me louait de quelques dispositions assez heureuses ; en ai-je profité ? Hélas ! non. À quoi m’ont-elles servi ? À être portier ; belle avance !
En écrivain fidèle, je me croirais obligé de mener mon lecteur année par année, jusqu’en théologie ; on me verrait Novice, puis Profès, enfin un vénérable Père. J’aurais mille belles choses à lui dire ; mais les belles choses ne nous plaisent qu’autant qu’elles nous intéressent. Eh ! quel intérêt prendrait-on à voir un Penaillon disputer envers et contre tous, mettre le bon sens à la raison, à la gêne dans des arguments en baroco, dans des distinctions subtiles que lui-même n’entendrait pas ? J’en fais grâce.
Je sens pourtant que je ne saurais passer crûment sur un si long espace de temps sans entrer dans le détail de quelques bagatelles. Un séjour de quelques années dans le couvent, m’avait bien fait rabattre des idées dont je m’étais bercé en y entrant. J’avais fait la désagréable expérience que si le plaisir était fait pour