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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/199

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dix-huit à vingt ans, qui me parut jolie comme un ange. Je suivais mon conducteur. Le Père Casimir était le chef de cette bande joyeuse. Il me reçut d’un air riant.

— Père Saturnin, me dit-il, soyez le bienvenu. Le Père André (c’était le nom du moine sous les auspices duquel je paraissais) m’a fait votre éloge : sa protection le justifie. Il a dû vous dire comment nous vivions ici : foutre, manger, rire et boire, voilà notre occupation ; vous sentez-vous des dispositions à faire comme nous ?

— Parbleu, lui répondis-je. Mon Révérend, vous verrez que je ne suis pas un sujet inutile dans la société, et s’il ne faut que cela, je me flatte de m’en tirer aussi bien qu’un autre ; soit dit, continuai-je, en me tournant du côté de l’assemblée, sans diminuer le mérite de vos Révérences.

— Allons, reprit le Père Casimir, vous êtes de nos gens. Commencez par vous placer ici entre cette charmante enfant et moi. Ça ! décoiffons une bouteille en l’honneur du Père : à vous, tope !

Et nous voilà à flûter. Et vous, lecteur, vous ne ferez rien pendant que nous allons vider nos bouteilles ? Tenez ! amusez-vous à lire ce rogaton.

Le Père Casimir[1] était d’une taille médiocre, brun de visage, portant un ventre de prélat, non prélat de Papefiguière. Ceux-là, dit maître Jean La Fontaine, sont maudits de Dieu, ont visage mince, taille mingrelette, et ne dorment jamais. Mais vrai prélat de Papimanie, au corps rond, au ventre gros et bien nourri. Il avait des yeux qui vous enculaient de cent pas, et dont le regard farouche ne s’attendrissait qu’à la vue d’un joli garçon. Alors le bougre entrait en rut ; il hennissait. Sa

  1. L’abbé des F… [L’abbé Desfontaines].