On m’en faisait la guerre : je me défendais mal, uniquement
occupé du désir de retrouver ma mère, ou pour
parler plus naturellement, du désir de m’escrimer avec
quelqu’une de nos Sœurs. Je cherchais des yeux celle
dont la vigueur monacale m’avait fait le fils, et je leur
trouvais à toutes un air de fraîcheur et de jeunesse qui
ne me permettait pas de penser que j’eusse cette obligation
à aucune d’elles. Quelque occupées qu’elles
fussent auprès de leurs Pères, elles trouvaient toujours
moyen de me lancer des regards dont la passion renversait
les conjectures que je pouvais faire. Je m’imaginais
sottement que je reconnaîtrais ma mère au respect
et à la tendresse que la nature m’inspirerait pour elle ;
mais mon cœur me parlait également pour toutes, et
mon vit bandait sans distinction en l’honneur de chacune
d’elles.
Mon inquiétude divertissait toute la compagnie. Quand on eut assez mangé pour mettre un intervalle entre les premiers morceaux et les derniers, il fut question de foutre. Dans le moment, je vis le feu briller dans les yeux de nos adorables. Comme j’étais nouveau venu, on voulut me donner l’honneur de commencer la danse.
— Allons, Père Saturnin, me dit le Prieur, il faut, mon ami, que tu fasses essai de tes forces avec la Sœur Gabrielle, ta voisine.
J’avais déjà commencé à faire connaissance avec elle. Nous avions préludé par des baisers donnés et reçus avec feu de part et d’autre. Sa main avait même été jusqu’à ma culotte. Quoiqu’elle parût la moins jeune de la compagnie, je lui trouvais assez de charmes pour ne pas envier le sort des autres. C’était une grosse blonde à qui l’on ne pouvait reprocher d’autre défaut qu’un peu
trop d’embonpoint. Sa peau était d’une blancheur