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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/245

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fide. Tous ses éloges furent pour sa fille ; c’était toute sa consolation ; une fille d’une dévotion édifiante, d’une pureté de mœurs angélique ; une fille toujours retirée dans sa chambre pour être plus éloignée de tout commerce avec le monde ; une fille dont toute l’occupation, tous les plaisirs étaient le travail et la prière, qui ne sortait que pour venir à l’église.

— Ah ! ma chère sœur, m’écriai-je alors d’un ton de tartufe, que vous devez être charmée de vous voir revivre dans une pareille fille ! Mais cette sainte âme vient-elle à notre église ? Que je serais heureux si j’étais édifié par son exemple !

— Vous la voyez tous les jours ici, me répondit la vieille. Quelle que soit sa dévotion, sa beauté est encore plus frappante, mais dois-je parler de beauté devant vous qui êtes des saints ? Vous méprisez cela.

— Ah ! ma chère sœur, repris-je, nous croyez-vous assez injustes pour refuser une admiration légitime à la beauté des ouvrages du Créateur, surtout quand ce qu’ils ont de mondain se trouve réparé par tant de vertus célestes ?

Là-dessus, ma vieille, enthousiasmée du tour que je venais de donner à ma curiosité, me fit le portrait de sa sainte, et je la reconnus pour une brune piquante qui se trouvait régulièrement à tous nos offices. Père Siméon, me dis-je alors, voilà de nos dévotes ; ménageons celle-ci ; elle pourrait bien vous rendre prophète. J’aurais peut-être effarouché la mère, si dans la première conversation, je l’avais engagée à faire ranger sa fille au nombre de mes pénitentes ; je remis cela à une seconde séance, et pour gagner ma vieille, je lui donnai une absolution générale, tant pour le passé que pour le présent. Je l’aurais même donnée pour l’avenir, si elle